Le centre de gravité économique mondiale bascule vers le Sud, et Pékin comme Moscou veulent en dicter le tempo. En amont du sommet des BRICS à Rio au Brésil, Vladimir Poutine et Xi Jinping officialisent une initiative inédite : une plateforme d’investissement commune dédiée aux pays du Sud global. Pensée comme un levier d’influence et d’émancipation vis-à-vis des circuits dominés par l’Occident, cette annonce marque une étape clé dans la construction d’un ordre financier alternatif piloté par les puissances émergentes de ce nouveau monde.
Tandis que l’hégémonie du dollar touche à sa fin, une nouvelle plateforme d’investissement lancée à l’initiative de Moscou et soutenue par Pékin destinée au Sud global est en préparation au sein du bloc des BRICS. C’est Yuri Ushakov, conseiller diplomatique de Vladimir Poutine, qui en a révélé les contours dans une déclaration : << Les chefs d’État vont aborder la question de la promotion des initiatives russes formulées lors du sommet des BRICS à Kazan l’an dernier. Ces initiatives concernent, en particulier, une nouvelle plateforme d’investissement. >>
Ce projet, dont les détails devraient être dévoilés au sommet des BRICS de juillet prochain à Rio de Janeiro, s’intègre dans une volonté affichée de proposer un cadre économique alternatif à destination des pays émergents.
Les éléments déjà connus à ce stade sont les suivants :
- L’origine du projet : proposé pour la première fois par Vladimir Poutine lors du sommet BRICS de Kazan en 2024 ;
- L’objectif affiché : offrir de nouvelles options d’investissement « pour nos pays et les partenaires parmi les représentants du Sud global » ;
- Le champ d’action : un ciblage prioritaire des économies d’Asie du Sud, d’Afrique et d’Amérique latine ;
- La portée géopolitique : une ouverture possible à des États non membres du bloc des BRICS, dans une logique d’élargissement de l’influence Sud-Sud ;
- Le calendrier : une présentation officielle est attendue lors du sommet de Rio début juillet.
Avec cette plateforme, les BRICS entendent renforcer leur coopération économique tout en contestant l’hégémonie des institutions financières occidentales. Pour Moscou comme pour Pékin, il s’agit d’un pas supplémentaire vers un ordre économique mondial multipolaire.
Au-delà des intentions affichées, le projet de plateforme induit une réorientation globale de l’architecture financière mondiale. Poutine a insisté sur la nécessité de concevoir un canal d’investissement sécurisé « sans l’implication de pays tiers », ce qui traduit une volonté explicite de contourner les systèmes dominés par le dollar et les places financières occidentales.
Si les modalités techniques n’ont pas encore été précisées, une dimension numérique semble envisagée. En effet, selon les déclarations de Vladimir Poutine, les « digital assets » pourraient jouer un rôle dans cette structure, ce qui faciliterait les transferts de capitaux vers les marchés émergents.
Cette ouverture aux cryptos ouvre la voie à un éventail d’hypothèses : tokenisation des projets, infrastructures blockchain inter-BRICS, voire à terme l’émergence d’un actif de règlement commun. Rien de cela n’a été confirmé, mais le contexte s’y prête.
Les BRICS réfléchissent depuis plusieurs années à la création d’une monnaie commune ou d’un système de compensation alternatif, et ce projet d’investissement pourrait en être un prélude.
Si l’ambition géopolitique est claire, les implications économiques restent à mesurer. Cette plateforme pourrait renforcer l’attractivité du bloc des BRICS pour les pays du Sud en quête de financement, tout en accélérant la fragmentation de l’ordre monétaire international, comme en témoigne la transition vers les monnaies locales. Le sommet de Rio sera décisif. Il dira si cette vision restera une déclaration d’intention ou si elle se traduira rapidement en architecture fonctionnelle pour les acteurs.